La beauté ne se mange pas en salade .

Elle avait demandé à me voir suite à un accident de voiture dans lequel elle s'était fait amocher une jambe.Les années passent d'autant plus vite que les liens distendus ne se resserrent que par l'amour réciproque.Mais je m'étais malgré tout ,sans enthousiasme rendu chez cette tante qui avait choisi de vivre sans enfants ...Cette tante dont je suis le filleul devant Dieu et les hommes.Avoir une veine de sa marraine voilà un proverbe qui ne me fut jamais familier.Elle avait bien tenté de me traîner dans son club de poésie,club dans le quel je fis une furtive incursion ...Aïe,aïe,aïe!Mais bon à chacun ses dérives .Me voilà donc au chevet de celle qui reste malgré tout un lien privilégié avec mon père trop tôt disparu.Et elle ne rate pas une occasion de me comparer à son "Pierrot".Ainsi me dit-elle sans ambages :"tu ne ressembles pas à ton père".J'ai passé les cinquante ans ,il est parti à vingt-huit.Qui sait si l'âge faisant nos physionomies n'auraient pas convergé? Elle a remonté la cassette,la vieille litanie va s'égrener ...-Comme il était beau.Toutes les filles en étaient folles-J'ai passé toute mon enfance à le savoir,et à comprendre que je ne verrai jamais dans mon miroir ne serait-ce qu'une ombre de lui-même.Eh bien je ressemblerais donc à ma chère maman,à mes oncles Dagorn.Je ne renierais pas mon nez plus fort que celui de mon aîné,j'accepterais mon profil moins régulier,surtout je revendiquerais par dessus tout ma joie de vivre comme je suis.La beauté, disait ma mère ne se mange pas en salade et pourtant en tout état de cause elle nous enivre et nous rend béats.