Toi,mon amour,ma chair, mon sang ,ma vie. Sur ce chemin hérissé de mille tortures repoussant l'horizon jusqu'à la frustration,la paranoia me guettait.
Mais bon dieu petit bonhomme qu'est ce que tu t'imaginais?Parce que tu en avais bavé de la rancoeur ,que l'écume des jours t'avait carapaçonné (et peut-être handicapé)tu te croyais aguerri .Bien sûr tu avais pris des pains dans ta jolie petite gueule (souviens toi ,tu avais bien failli perdre un oeil)mais on ne forge pas l'humain comme l'on forme le fer(tu l'appris à tes dépends).
Il t'avait demandé"tu sais découper au chalumeau,tu sais souder?Rampillon ,il s'appelait Mr Rampillon ,mais tout le monde l'appelait "le rouquin"."Tu commences lundi"te dit-il en te serrant la main.Contrat de travail en poche tu te retrouvais donc fragile et sans expérience dans cet immense atelier.(un des plus grands d'Europe)ton calvaire commençait!!Les nefs n'étaient pas celles des cathédrales,empruntes d'un silence de plomb mais agitées tel les pavillons Baltards,grouillantes de vie et saturées d'échos rebondissants et agressifs.Sifflements des meuleuses ,ronronnements des plieuses,( dont la plus grande dite à"col de cygne"nécessitait un savoir faire appris sur le tas.)crépitements des chalumeaux et plus assourdissant, sur la plaque ,le martelage des pièces formées à chaud.Cinq-cent ouvriers ,techniciens et ingénieurs s'activaient à la fabrication(en réalité blocs et panneaux préfabriqués )d'éléments de coque pour assemblage au bassin(on ne parlait pas encore de jumboisation).Tu regrettais déjà,sous le poids d'une hiérarchie trop lourde,trop protocolaire et souvent méprisante, d'avoir quitté le collège pour un apprentissage que tu jugeais émancipateur.
Comment pourrais tu tracer ton erre sur un océan d'incertitudes, petite coquille de noix?)
Tandis que je dérivais au gré de la dépression encore sous-jacente,ta venue me réveilla.Ton sourire ,ta bonne humeur et ta beauté enfantine me rappelèrent à la vie.Tu fus mon enfant médicament,je suivais tes premiers pas comme on suit une piste au trésor et ton énergie me soulageait des maux qui me bouffaient la tête et les tripes.Sans doute m'as tu sauvé d'une schizophrénie induite par tant de combats .Tes perles plus colorées les unes que les autres ensoleillaient les plus sombres jours de pluie.Tu n'avais pas trois ans, déjà ta verve et ton aplomb charmaient petits et grands.Tu aurais pu allumer des feux de bengale ou chanter un air d'opéra,rien venant de toi ne nous surprenait plus,tant la magie t'habitait. Quel cadeau ,enfant de l'amour et du hasard ,mon amour tu fus, tu es et tu resteras, mon fils.Si je te dédie ces mots aujourd'hui ,c'est que je sens poindre chez toi une envie de paternité.Trouveras-tu celle qui saura te donner la réplique ?